Frère Ange (compagnon de la première heure de Saint-François d'Assise).

Voici, je m'appelle Ange et j'ai suivi François,

Et j'ai vu son amour et j'ai vu sa misère,

Je me suis enivré de la même prière

Et n'ai pas regretté, fusse un instant, mon choix.

Pauvre ainsi que le fut le Seigneur sur Sa croix,

Je fus un moine heureux près du saint qui naguère

Se dépouilla de tout, non pas pour vivre austère,

Mais pauvre sur la terre où les pauvres sont rois.

Je ne possède rien, pas même la mémoire

De ce père béni dont certains se font gloire

Et dont le souvenir en mille endroits se vend.

C'est dessus le marais qu'était la Portioncule

Et le monde triomphe et le marais s'étend;

Ange est un grand vieillard parfois bien ridicule...

                              ***

Heures Amères.

Ecoutez-moi, Très Sainte Mère,

J’ai grand besoin de Vous parler.

Nous vivons des heures amères

Car la mort nous a désolés,

L’homme en nous rêve de vengeance,

Comment pourrions-nous pardonner ?

« Enfants, et comme eux sans patience,

Tous les assassins sont damnés,

Vous le savez bien et l’épreuve

Doit-elle entamer votre Foi ?

Le mal est-il chose si neuve ?

Avez-vous oublié la Croix ?

Votre douleur, votre colère,

Changez-les tant qu’il en est temps

En confiance comme en prières,

Voilà ce que mon Fils attend. »

                      ***

 

Ma Misère.

Sentir et savoir, c’est cela ma misère,

Ma peur, ma peine et mon fardeau

Jusqu’au tombeau.

Seigneur, écoutez ma prière ;

Sur quels chemins dois-je encor voyager

Sans paix pour me les alléger ?

                         ***

 

Pour son Repos.

A la mort d’un ami que puis-je faire,

Moi, l’inutile et le solitaire,

Moi qui n’ai rien, sinon les mots,

Les mots d’une prière

Pour son repos ?

Daignez intercéder, Très Sainte Mère,

Pour lui, quand tout va se défaire ;

Que Votre nom vienne alléger

Son dernier jour sur terre

Et l’abréger.

Accordez-lui d’avoir la mort paisible

D’un juste ou d’un saint de la Bible

Et daigner consoler les siens

A l’heure très pénible

Qui rompt leurs liens.

Épargnez-lui l’angoisse et la souffrance

Et montrez-lui sous l’apparence

De cette nuit qui nous attend,

La gloire et non plus l’espérance

Du Tout-Puissant.

                             ***

Les Défauts.

Pardonnez-moi si je Vous prie

Quelquefois un peu « en passant »,

Avec des oublis « en série »,

Des mots bâclés en se pressant,

La tête plus à la fenêtre

Qu’à ce qu’il faudrait méditer,

Et par indolence peut-être

Autant que par facilité.

Je ne suis pas très efficace

Dans ce qu’on nomme « la piété »,

Pourtant avant que ce fil casse

C’est la vie qu’il faudrait m’ôter.

Si je prie mieux dans la tristesse,

Faut-il Vous en formaliser ?

Pardonnez à mes maladresses,

A mes défauts peu maîtrisés

Et pardonnez à ma paresse

Puisque je viens m'en accuser,

Que je vais lui faire la chasse

Avec toute ma volonté

Et qu'avec Votre aide à la place

On trouvera la charité. 

                 ***